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St Martin - Samana ou les tribulations de deux terriens en croisière - Episode IV

dans lequel nos deux aventuriers font enfin la différence entre une croisière et une galère.


lorsque nous rentrames au bateau après la visite des "baths" et 5 miles à la nage, faute de pouvoir utiliser la yole du navire, et après avoir cirés les chaussures des officiers, nous pûmes enfin prendre quelques heures de repos.



la dernière partie du voyage allait commencer le lendemain matin : retour d'une traite vers la République Dominicaine, péninsule de samanà en passant au large de la côte nord de porto-rico


nous nous levames dès 4h afin de préparer le petit déjeuner, lever et saluer les couleurs sous l'oeil vigilant du bosco.

à 11h déjà, toute terre avait disparu et nous voguions plein ouest, sous grande voile, trinquette et voile de misaine. le vent, trop violent, nous empêchait de hisser les cacatois;

néanmoins, dure à la tâche, patricia, vigie en tête de mât, contemplait cette immensité bleue que perçaient par instant les ailerons des grands requins blancs affamés, aux yeux cruels;


cette période relativement calme, en dehors de nos 16 h de travail au service du bateau, nous permit de travailler les manuels de marine, notamment le célèbre"cours des Glénans" dont la connaissance parfaite était obligatoire pour oser envisager de réussir l'examen "d'enseigne".

en effet les officiers nous avaient accordés cette possible promotion, sous réserve de répondre à toute question sur l'ensemble de l'ouvrage et d'en expliquer le pourquoi et le comment.

nous ne demandames aucune faveur et travaillames comme des forcenés.

pourquoi chercher cet avancement, alors que notre condition, notre naissance et nos appuis ne nous permettait pas d'espérer mieux que d'être les humbles serviteurs des puissants ?

outre la solde, le privilège de manger dans de vraies assiettes et non plus par terre, boire dans un verre et non plus dans une boîte de conserve rouillée, c'était surtout la fin tellement espérée des punitions corporelles telles que prévues par le code des traditions navales.

le grand jour arriva; les officiers qui s'étaient préparés, en dormant dès le petit-déjeuner​, se réveillèrent à la fin de notre journée de dur labeur, vers 20h, afin de nous mettre à l'épreuve et vérifier si nous étions dignes d'une promotion; ce fut difficile, long, épuisant même, mais après 8h de contrôles, nous fûmes jugés aptes.


nous étions à présent dans la "cour des grands" et nous fêtames ce succès en reprenant notre quart pendant que nos supérieurs retournaient se coucher après cette longue nuit.


notre bonheur eut été parfait si nous n'eussions pas entrepris de vérifier les vivres stockés dans les tonneaux de la cale. nous nous aperçûmes alors que l'eau allait nous manquer, que les citrons que nous avions embarqués pour lutter contre le scorbut se trouvaient dans un état de pourrissement avançé et que la viande embarquée en france pour la durée du voyage était dans le même triste état;

heureusement les futailles de rhum bien que largement entamées pouvaient encore tenir jusqu'à bon port.


allions nous échapper à cette terrible et douloureuse maladie dont nous n'osions prononcer le nom et dont l'issue était presque toujours fatale ?

allions nous être contraints de laisser le sort ou la hiérarchie désigner l'un d'entre nous en temps que repas ?

allions nous mourir de soif après une longue agonie en attendant vainement un grain, un orage ?

allions connaître le même sort funeste que ces marins du vaisseau "la méduse" ?


nul ne pouvait répondre et c'est le coeur triste mais vaillant, sous un soleil accablant et sans vent, toutes voiles fasseyantes, que nous entamames la dernière partie du voyage.

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